« Aller bosser, ça me donne un but dans la vie » : à 41 ans, son permis et sa Clio ont tout changé.
Romain Allain est depuis peu soudeur en intérim. Il quitte Niort chaque jour pour rejoindre Celles-sur-Belle. Cela n’aurait jamais été possible sans le permis, qu’il a pu passer via Soligo 79, et une voiture achetée auprès de la plateforme régionale d’accès à la mobilité (Pram).
Travailler, avoir des collègues, se sentir utile, Romain Allain ne savait plus ce que c’était depuis plusieurs années. Des problèmes de santé ont un temps accéléré son « décrochage ». Mais ça, c’était avant. A 41 ans, ce Niortais a entamé, il y a quelques jours, une nouvelle vie. « Me lever le matin pour aller bosser, ça me donne un but dans la vie. Je suis en intérim pour trois mois à la CIM (Carrosserie Industrielle Melloise). C’est à Celles-sur-Belle. Pour l’instant, je remplace quelqu’un qui est en arrêt de travail. Mais si je fais l’affaire, il y aura peut-être moyen de rester », confie l’intéressé.
Niortais, Romain Allain est l’heureux propriétaire de cette Renault Clio d’occasion dont il se sert quotidiennement. En arrière-plan, Florine Berthonneau (Soligo 79) et Nicolas Boildieu (PRAM). | CO - CHRISTOPHE BERNARD
Les freins à la mobilité constituent un facteur croissant d’exclusion
Le quadragénaire n’en serait pas là aujourd’hui sans un CAP soudeur obtenu début juillet 2024. Une étape nécessaire mais pas suffisante pour passer à autre chose, reprendre confiance. Il restait un diplômé sans permis de conduire, et sans voiture. Ce n’est pas un scoop mais une réalité bien ancrée : Les freins à la mobilité constituent un facteur croissant d’exclusion et d’isolement social, résume Nicolas Boildieu. L’objectif de la plateforme régionale d’accès à la mobilité (Pram) est de permettre à des personnes en difficulté d’insertion professionnelle de trouver ou retrouver une solution de mobilité en Nouvelle-Aquitaine, poursuit le chargé de développement de la Pram.
Notre association collecte des véhicules qui lui sont donnés par des particuliers, des entreprises ou des collectivités. Ils sont entièrement remis en état par notre réseau de garages solidaires, puis revendus à des personnes à faibles ressources sur les territoires des Deux-Sèvres, de la Charente, de la Charente-Maritime et de la Vienne.
La Renault Clio dont Romain Allain est depuis peu l’heureux propriétaire a été chouchoutée par le garage solidaire Soligo 79 (anciennement Ateliers Méca 2 Sèvres), installé rue Jean-Jaurès, à Niort. Auprès de la Pram, il a pu l’acquérir pour 3 000 €, carte grise comprise. La petite citadine a déjà parcouru 100 000 km mais est parfaitement saine, prête à en faire autant. J’ai contracté un crédit sur quatre ans avec des petites mensualités. Cela me fait 140 € par mois, assurance incluse.
Pour acheter ce véhicule, encore fallait-il avoir le permis de conduire. La plateforme Soligo 79, c’est aussi une auto-école sociale, explique Florine Berthonneau, chargée de mission mobilité (Soligo 79). Je n’avais jamais passé le permis et je n’en avais pas les moyens. Avec Soligo, le code et 35 heures de conduite m’ont coûté 700 €. Ma mère m’a aidé financièrement. J’ai passé le code deux fois, et j’ai décroché la conduite du premier coup, glisse Romain.
Avec les horaires qui sont les siens - de 5 heures à 13 heures, ou de 13 heures à 21 heures -, les transports en commun n’étaient pas la solution. Surtout en milieu rural. Dans les agences d’intérim, on va le plus souvent immédiatement vous demander si vous avez le permis et une voiture. Les employeurs sont très sensibles à ça, souligne Florine Berthonneau.
Nous avons besoin de dons
Les véhicules que la PRAM vend à ceux dont les moyens sont très limités lui sont donnés par des particuliers, des entreprises, des collectivités. La demande pour acheter est forte. Nous avons donc besoin de dons, ne cache pas Nicolas Boildieu. Nous cherchons à récupérer des véhicules de moins de 20 ans plutôt en bon état pour que les travaux à effectuer avant de les mettre en vente ne soient pas trop lourds. Toutes les propositions de dons sont étudiées au cas par cas et avec attention, poursuit le chargé de développement à la Pram. Le donateur bénéficie d’une déduction fiscale à hauteur de 66 % pour les particuliers, et de 60 % pour les entreprises. Au-delà de cette contrepartie, faire un don, c’est évidemment un geste solidaire. Ce n’est pas seulement se débarrasser de sa voiture et défiscaliser.
Depuis 2015, 380 personnes ont pu bénéficier de l’aide de la Pram en achetant une voiture entièrement révisée auprès de l’un des garages du réseau.
Solidaire Soligo 79, installé rue Jean-Jaurès, à Niort. | CO - CHRISTOPHE BERNARD
Ici, la mécanique de la solidarité tourne rond
Dans la zone industrielle de Saint-Florent, c’est à première vue un garage comme les autres. À première vue seulement. Ici, au 200 de la rue Jean-Jaurès, un atelier parfaitement entretenu abrite le garage solidaire de Soligo 79. Il fait actuellement travailler neuf salariés en insertion. Ils sont là pour deux ans maximums, en CDDI de 32 heures, le « i » pour insertion, explique Florine Berthonneau, chargée de mission mobilité (Soligo 79).
Deux encadrants et un chef d’atelier pilotent l’équipe de mécaniciens en devenir. Certains arrivent avec quelques notions de mécanique. D’autres ont tout à découvrir. Tous profitent d’un accompagnement qui leur permet d’avancer, souligne le chargé de développement de la plateforme régionale d’accès à la mobilité (Pram).
La Pram fournit au garage solidaire des véhicules qui lui sont donnés et qui, une fois révisés, réparés, seront vendus à des demandeurs d’emploi, bénéficiaires de minima sociaux, des jeunes suivis par la Mission locale, des salariés en parcours d’insertion, des intérimaires et employés saisonniers. Une population disposant de petits moyens mais qui, comme tout un chacun, a besoin de se déplacer.
Sans jamais s’écarter de la route qui est la sienne, celle de la solidarité, le garage solidaire Soligo 79 est également un loueur de scooters, de vélos à assistance électrique, de voitures sans permis. La Pram, c’est un réseau de quatre garages solidaires à Niort, Saint-Georges-lès-Baillargeaux, Angoulême et Cognac.